mardi 15 décembre 2009

Atelier d'écriture (2)

Tu sais parfaitement où tu es. Mais pas vraiment pourquoi.
Pour écrire ? Oui, un atelier d'écriture, c'est ça. Pour recommencer à écrire. A écrire autre chose que des petites notes sur un coin de cahier, que des messages griffonnés dans un carnet à spirales, que personne n'a jamais lus, ne lira jamais. Même pas toi. Mais pourtant tu n'y crois pas vraiment.
Tu t'installes, assis loin de la table, jambes croisées haut. Pour marquer une certaine distance. Que tu n'es pas encore prêt. Tu observes les autres, nonchalamment, presque par hasard. En fait, tu les dévisages. Tu te demandes ce qu'ils ont en commun avec toi. Ils savent parfaitement où ils sont. Et aussi pourquoi.
Ils sont détendus, prêts, motivés. Ils jouent avec leur stylo, ou le coin de leur feuille, ou utilisent le premier pour dessiner sur le deuxième. L'animateur. Souriant, presque trop jovial.
Tu n'y crois pas. Tu veux te lever, partir vite, oublier tout ça, l'écriture, l'encre noire, le papier blanc. Tu veux partir sans un mot, avant même qu'ils te connaissent, avant même qu'ils t'écoutent, qu'ils te lisent. Mais tu ne bouges pas. Tu cherches des yeux un truc, un objet, un élément indétectable du décor. Pour y fixer ton regard, pour faire semblant d'être ailleurs.

L'exercice est simple. Se présenter, par écrit, par un jeu d'écrit. Acrostiche. Tu sais bien, chaque lettre de ton prénom commence une phrase. Tu as si souvent joué à ça. Quand tu cherchais l'inspiration. Ou juste le plaisir du crayon qui glisse sur le papier. Le plaisir de noircir une page blanche. Le plaisir d'écrire ?
Tu vois les lettres qui s'assemblent, les mots qui se forment. Tu vois ta main qui se meut prestement devant toi. Ta main qui tient le stylo. Le stylo qui court légèrement sur le papier. Tu es attablé, comme les autres. Tu es penché au-dessus de la table, comme les autres. Tu écris, comme les autres.
L'exercice était facile. Amusant. Tu relèves la tête. Tu souris. Tu te relâches. Content de toi. Tu vas lire ton texte. Devant les autres. Pour les autres. Et pour toi.

Deux heures ont passé. Ou deux jours. Libération. Tu as écrit des fragments de ta vie, tu as livré des fragments de ton intimité. A des inconnus. Le partage a fonctionné.
L'écriture a fonctionné.