dimanche 23 mars 2014

Contes animés

Combien faut-il de mots pour raconter le monde ? 
Est-ce que la parole peut faire mal
Peut-on voir des histoires ?

Les contes nous parlent de la puissance du langage, de l’importance de la parole. Les mots, qu’ils soient dix ou mille, qu’ils soient dits ou signés, font rire, rêver, réagir, réfléchir.
 http://www.librairie-colibris.fr/blog/wp-content/uploads/2010/07/LIBRAIRIE-COLIBRIS1.bmp
Ce jour-là, devant un public plutôt peu nombreux (mais de qualité supérieure si je me réfère aux discussions d'après spectacle), nous avons parlésigné des histoires de mots. Langue parlée et langue des signes pour raconter les mêmes histoires, Céline et moi. Nouveau et étonnant, amusant et peut-être un peu perturbant -pour ceux qui ne connaissent qu'une langue-, décalé et amusant, mais surtout enrichissant !

Je parle, tu signes. Tu signes, je parle. 
Mais tous les deux ensemble pour partager quelques histoires.

Je n'ai pas appris la langue des signes ce jour-là, mais j'ai suivi les mains, les gestes et les expressions de Céline, j'ai regardé une histoire, j'ai contemplé les mots, et aussi j'ai pu observé le public attentif, public entendant ou pas, mais attentif aux deux conteurs, aux deux versions, aux deux langues.
Alors, travail difficile et passionnant ? -le choix des textes notamment-, complicité entre nous ? -nous nous connaissons à peine-, mais surtout une envie d'ouverture, de partage encore plus grand, de découverte des autres. Les autres, attentifs, tant par leur écoute que par leur regard, les autres, curieux, intéressés, enthousiastes et encourageants.


Une forêt est ravagée par un incendie. Tous les animaux s'en sont enfuis, et regardent de loin, dépités, leur habitat brûler. Ils observent cependant un petit colibri faisant des allers-retours entre une mare et les arbres en feu, au-dessus desquels il lâche à chaque voyage une goutte d'eau de son petit bec.
Incrédules, les autres animaux lui demandent :
"Eh petit colibri ! Tu ne crois quand même pas que tu vas éteindre l’incendie ainsi ?"
Et le petit colibri répond :
"Je sais très bien que je n’éteindrai pas l’incendie, mais je fais ma part."

jeudi 20 mars 2014

Perturbations poétiques

Le printemps ... des poètes est passé par ici. Au collège de Charvieu, dans les classes de 3ème.
Une surprise ? Un cadeau ? Ou simplement une découverte ?


La porte est fermée, cours en cours. Jusqu'à l'interruption poétique. J'ouvre la porte en grand, je pénètre d'un pas ferme et décidé dans la classe, un regard rapide vers le prof, qui se tait. Je ne me présente pas, pas de "bonjour". Pas le temps.
INTERRUPTION !

Trois poèmes. De Verlaine à Vian, de Musset à Prévert. Le premier pour perturber, alerter, ouvrir l'attention. Le deuxième pour l'écoute, le beau, le plaisir. Le troisième pour partir, quitter cet "état de poésie".

Instant de stupeur, ou curiosité, ou les deux. Quelques fous-rires, quelques regards interrogatifs : qui sait de quoi il s'agit ? Justement : personne. A peine les profs, pas du tout les élèves. Mais tous vont écouter. Passer de l'incompréhension à l'écoute, en 1 poème, peut-être 1 poème 1/2. Les yeux se posent, les regards se fixent. Et finalement, si c'était bien ! Si c'était un moment de plaisir, un moment d'autre chose.
Mais un moment qui ne dure pas, 4 minutes à peine. Et je ressors, aussi vite que j'étais entré. Pas d'au revoir, "et je m'en vais, au vent mauvais qui m'emporte". La porte se referme, le cours peut reprendre son cours.

En fait, non ! pas sûr, ou pas tout de suite.
INTERROGATION !
C'est qui ? C'est quoi ?

Car le voilà le but : faire s'interroger, sur la poésie, sur la parole, sur l'art ... et pour cela provoquer la curiosité, le questionnement par la surprise, par l'imprévu, par l'extra-ordinaire. Et leur regard, leur stupéfaction mais aussi leur silence, leur écoute, font peut-être partie de l'extra-ordinaire.

Merci pour vos yeux écarquillés.
Merci pour vos sourires d'enfant.
Merci pour votre écho sur Chanson d'automne.

Le printemps des poètes est passé par là. 
Perturbations passagères, mais ça ne va pas durer, tout redeviendra vite comme avant !




Outils posés sur une table (Jean TARDIEU)
Mes outils d'artisan
sont vieux comme le monde
vous les connaissez
je les prends devant vous :
verbes adverbes participes
pronoms substantifs adjectifs.
ils ont su ils savent toujours
peser sur les choses
sur les volontés
éloigner ou rapprocher
réunir séparer
fondre ce qui est pour qu'en transparence
dans cette épaisseur
soient espérés ou redoutés
ce qui n'est pas, ce qui n'est pas encore,
ce qui est tout, ce qui n'est rien,
ce qui n'est plus.
Je les pose sur la table
ils parlent tout seuls je m'en vais.



mardi 11 mars 2014

Jeux d'écriture en atelier

écrire pourquoi faire ? 
juste pour parler. 
sans en avoir l'air,
même... se raconter !
                                                      faut-il donc vous taire ? 
                                                      venez essayer.
                                                      sans être sincère,
                                                      sachez inventer. 
                              je voulais écrire,
                              jusqu'à en rêver ! 
                              j'ai osé le dire, 
                              j'y suis arrivé.
                                                                       d'un commun accord,
                                                                       entrez dans le jeu.
                                                                       vous verrez alors
                                                                       comme on est heureux.
 Claude, atelier d'écriture à Dolomieu, janvier 2014

Il était vraiment petit, haut comme trois pommes
Pas très futé, pas très malin Petit Bonhomme
Un jour – Plouf ! - il tomba à l'eau
Pour prendr' le reflet d' son chapeau
Depuis il va tête nue, sacré p'tit bonhomme !

Limericks, par Martine, atelier d'écriture à Dolomieu, janvier 2014

Il aurait pu avoir un accent pointu ou chantant
L'accent ch'ti, québecois, italien ou de Montauban
Il en eut assez d'être sans foi ni voix
Il décida donc de s'appeler Benoït
Circonflexe ! Oui ! Il l'avait son accent




jeudi 6 mars 2014

Yes we can !

Peu importe son nom, Djamel ou Kevin, Léon ou Mario, il fait partie de ces enfants, pas encore ado, mais quand même collégiens, qu'on ne sait classifier – car il faut tout classifier dans l'éducation scolaire –. 
Est-ce qu'il s'en fout de l'école ? 
Est-ce qu'on le reverra demain ? 
Est-ce qu'il n'est pas au collège juste parce qu'il s'ennuie chez lui, parce que l'appart est vide et solitaire, parce qu'il fait plus chaud à l'école, plus chaud en dehors et plus chaud en dedans, parce qu'il y retrouve des copains, des potes avec qui parler ? 
Il n'est pas le leader de la bande, d'ailleurs il n'y a pas de bande véritable autour de lui, mais il émane de lui une certaine liberté, ou rébellion, qui fait qu'on le laisse dire, et faire ... quand il est là. Les profs disent celui-là, on ne sait jamais s'il sera là demain, ni pourquoi il vient mais tant qu'il n'est pas violent, ou agressif, on fait avec
Quel avenir pour lui, nul n'y pense, nul n'y croit, même pas lui. 

 



Mais ce jour-là, il a créé. 
Au cours de l'atelier "contes africains", il a inventé, imaginé, mis en forme une histoire, il a intégré les idées des copains du groupe, il a modelé un conte en respectant – inconsciemment ? – les règles du conte, lui qui se foutait pas mal du schéma narratif, des séquences "obligatoires", de la résolution finale, il a bâti une histoire véritable, racontable, achevée. Un vrai travail, fait adonf sans se poser de questions, sans se prendre la tête, sans hésitation et sans doute. 
Prof ébahi qui redécouvre cet élève auquel elle s'apprêtait à "renoncer", copains impressionnés par tant de sérieux, moi-même surpris (mais pas tant), et surtout ravi d'avoir fait passer quelque chose d'indéfinissable, que j'espère un peu beaucoup passionnément durable.
Raconter SON histoire a été plus difficile face à la classe, comme s'il se rendait compte soudain de l'importance de cette tache, du poids de cette responsabilité : livrer une part de lui-même à tout le monde. Mais ça viendra, Djamel-Kevin-Léon-Mario, on va y arriver ... si tu veux !