mercredi 26 décembre 2012

lire autrement

Une relecture, une autre vision des textes, croquis, anecdotes, instants qui ont fait ce livre. 

Partir d'un fait net et précis, lui donner une suite, puis lier avec d'autres scènes. 
Pour bâtir une histoire nouvelle, décalée, originale, imprévue ! 
Comme si elle était cachée au plus profond de mes petites chroniques, de mes notes, de mes clichés, comme si elle se dévoilait, se remodelait, revivait, s'échappait du livre, mélangeait les pages, associait les lieux, les gens, les bruits ...


Nouvelle situation, mise en scène par deux comédiennes follement décalées, follement aventureuses, follement imaginatives, follement inspirées ! 
Mes instants de ville se sont assemblés, mélangés pour devenir une intrigue policiéramoureuse :
ELLE a tiré sur le gros con, IL veut en savoir plus, ELLE parcourt les rues, les couloirs du métro, IL la suit, s'attache, IL et ELLE ...

Lecture à double sens, à quadruple voix, lecture vivante. 
Le public a suivi, écouté, regardé les mots courir, voler entre les tables. Instants de plaisir partagé. 
Et pour moi, la joie de dire, écouter, voir mes textes prendre une nouvelle forme, une nouvelle vie !

Sortir les mots du livre ! 

 

  

mardi 6 novembre 2012

à qui la faute ?



Lorsque le lac se mit à déborder, ce fut une terrible catastrophe. Les terres furent inondées, des villages engloutis, des hommes emportés.

Une délégation d'hommes alla se plaindre auprès du lac, lui demandant de se justifier.
—Ce n'est pas ma faute, expliqua le lac, la rivière qui m'alimente s'est mise à grossir brusquement, et moi à gonfler jusqu'à ce que je déborde.

Les hommes allèrent demander à la rivière.
—Ce n'est pas ma faute, répliqua la rivière, le torrent qui vient de la montagne se jeter dans mon eau charriait tant d'eau. Je ne pouvais tout retenir.

Les hommes allèrent interroger le torrent.
Ce n'est pas ma faute, s'excusa-t-il, la neige des montagnes a fondu partout en même temps si rapidement que j'ai grossi grossi grossi …

Les hommes allèrent questionner la neige des montagnes.
Ce n'est pas ma faute, dit la neige, d'habitude, les sapins me retiennent sur le sommet, mais les hommes ont coupé tous les arbres.

Les hommes alors baissèrent la tête, ne posèrent plus de question, et retournèrent chez eux nettoyer les dégâts.


raconté à partir d'un texte de 
Michel Piquemal
dans "Le conteur philosophe"

photo :
Crater Lake, Oregon

dimanche 21 octobre 2012

Dimanche, c'est marché aux livres !

Marcher sans but véritable, sur le quai de la Pécherie, bords de Saône. Au milieu des étals de bouquinistes. Au milieu des livres anciens ou neufs, d'occase ou de collection. On s'arrête ici ou là, on touche, on ouvre, on feuillette les livres. Bien sûr, on n'oublie pas le petit coup d'oeil en première page, là où est traditionnellement inscrit le prix. On ne marchande pas, ou peu. Mais on peut parler, discuter avec le vendeur. De livre, celui qu'on achète ou un autre, celui qu'on cherche. Ou d'autre chose. On peut parler de politique, de musique, d'érotisme, de philosophie, de voyage ...

On compulse lentement ou avec frénésie les boites contenant tous ces faux trésors, on examine rapidement chaque titre, on peste un peu quand l'ordre n'est pas alphabétique, ou quand il n'y a pas d'ordre du tout. Alors on écarte lentement chaque ouvrage, pour se rendre compte en même temps que une ou deux paires d'yeux accompagnent le mouvement, par dessus son épaule. 
Exbrayat cohabite avec Duras, San Antonio n'est pas si loin de Voltaire, Butor accompagne Nothomb. Parfois on sort un livre, on le garde quelques instants, tout en continuant sa fouille presque méthodique, puis on le repose, au profit d'un autre, ou pas.

On peut tendre machinalement la somme convenue au vendeur, sans presque un regard, vite fait, dans la hâte de continuer la balade au fil des livres. On découvre alors encore et encore des ouvrages inconnus, pas spécialement rares, pas spécialement beaux. Des revues de début de siècle (pas celui-là, le précédent !) dont personne ne se souvient, côtoient des BD pour enfants, qui attirent surtout des adultes. Des "Grands livres" tournent de main en main, qu'on n'achètera pas. Des romans mal découpés attirent l'attention plus par leur allure que par leur "prétention" littéraire. Mais le voyage n'est jamais terne, et différent chaque fois sur ces bords de Saône.

Un recueil de légendes irlandaises, un Buzzati introuvable, un troisième livre que je devais lire depuis si longtemps et qu'enfin je trouve -à prix abordable-, bref, une moisson raisonnablement obligatoire ... en attendant ma prochaine venue.







mercredi 26 septembre 2012

hier, je suis entré dans une librairie

Choisir un livre ?
Entrer dans une librairie sans objectif précis, naviguer au fil des rayons, observer, toucher, saisir même. Toucher, lire la quatrième de couv. Parfois feuilleter, découvrir un extrait, un morceau de texte isolé. Lire au hasard, sans chercher à entrer dans l'histoire, sentir les mots de l'auteur, écouter les sons, les rythmes, les blancs !
Comme cette consigne sur FB : C'est la semaine internationale du livre. Prenez le livre le plus proche de vous, tournez à la page 52, partagez la cinquième phrase en statut. Ne mentionnez pas le titre.

Choisir un livre ?
Par le titre, qui frappe, claque, explose, un mot ou beaucoup, un nom propre ou une longue phrase.
Blanche comme le  lait, rouge comme le sang, d'Alessandro d'Avenia, lire les trois premières pages.
Il n'y a pas beaucoup d'étoiles ce soir, de Sylvie Testud, lire au hasard des pages, des phrases même incomplêtes, quelques dialogues ici et là.
Le lait est un liquide blanc, d'Annie Saumont. La table des matières, combien de pages tient chaque nouvelle, se faire une idée à partir de chaque titre.
Les solidarités mystérieuses, de Pascal Quignard, titre étrange que l'on tourne et retourne sur la langue, parcourir quelques pages, ici et là.
Histoire du pied, de JMG Le Clézio, derrière lequel on cherche, on imagine un certain humour, mais Le Clézio quand même !!!
Par la couverture, austère, froide, gardienne du secret du texte, comme celle de la nrf (Gallimard). Ou celle plus colorée, résolument illustrative du texte, comme parfois chez J'ai lu, Folio, Le livre de poche. Avec un graphisme plus impersonnel, plus attractif, plus décalé, qui attire l'oeil, nous ferait presque oublier le roman derrière le dessin, comme certaines collections de Fantastique ou SF. Ou bien une photo réaliste qui dévoile sans dire, qui montre mais nous laisse inventer l'histoire à notre goût, avant ...
Avec l'étiquette du libraire, "coup de coeur", ou un commentaire perso, sensible, vrai, le libraire qui a lu, a aimé, veut partager plus que vendre (si si !)

Et puis par la presse, les medias, les "on dit", les rumeurs, les interviews vaguement entendus, ou simplement par le NOM, nom d'un auteur reconnu (par qui ?), garanti d'une lecture passionnante ... ou chiante au possible!
Non, non, oublier l'auteur, oublier l'extérieur, ouvrir le livre, tout est là !

J'aime pas ces livres emballés dans ces plastiques hermétiques qui empêchent de respirer, ou bien ceinturés par une jaquette promotionnelle qui emprisonne, j'aime pas trop non plus ces coffrets, la collection complète, livre-cadeau-déco, livres qui se montrent mais ne s'ouvrent pas. 

dimanche 16 septembre 2012

Souvenir du Moyen-Age

Une grange, ou une étable. Des bottes de paille empilées, des brins de paille qui volent et jonchent les pavés. Des vieux bancs de bois répartis ici et là. Comme il y a longtemps, comme au temps anciens, comme au Moyen-age, lorsque le conteur se préparait pour une longue nuit de racontage.

On avait mis les enfants au lit, on s'était installé autour de lui, les femmes filaient ou cousaient, les hommes aiguisaient leurs outils ou nettoyaient les cuirs, les vaches ruminaient, les oies se regroupaient pour dormir, les chiens se couchaient, attentifs. 
 

 


Et lui profitait du moment, du faux silence qui s'était établi, de l'attente. 
Il venait de loin, il avait traversé d'autres villages, d'autres régions, il avait rencontré d'autres gens, avait entendu un grand nombre d'histoires. Qu'il allait dire, donner, échanger.


Les murmures se sont tus. La Parole a envahi la grange, ou l'étable.
L'heure  du partage a commencé.
Histoires de pauvres gens et de riches seigneurs, histoires de sorcières et de diableries, histoires de princesses et de malédictions, histoires de guerre et d'amour, histoires de lutins et d'ogres, de géants et de fées des eaux.
 













écoutez, braves gens ! 

il était une fois ...

mardi 10 juillet 2012

Liste de mes envies,

ou de mes rêves  
... ou de mes fantasmes  
...... ou de mes possibles ... 


  • lire avec Guillaume Gallienne
    • écrire avec Amélie Nothomb
        • passer une heure d'émission avec Rebecca Manzoni
      • rencontrer Neil Young
        –et espérer que mon américain soit suffisant pour notre conversation
        • ou alors Patti Smith je crois qu'elle parle français !
    • prendre un café en terrasse, –ou autre chose–, avec Richard Bohringer
      • conduire une vieille Oldsmobile sur les routes américaines en écoutant du blues
  • passer quelque temps dans une tribu Hopi des Four Corners 
        • être reconnu dans la rue –si possible par une jeune et belle admiratrice !–
    • assister aux préparatifs de "Taratata"
  • raconter une histoire avec de la musique, genre violoncelle Jorane, si tu me lis !!!– ou harpe
        •  et ...


dimanche 3 juin 2012

Paratexte, livre-objet et culture numérique

Hier, j'ai lu un livre. 
J'ai lu un livre que je n'avais pas lu depuis ... si longtemps, un livre que j'ai redécouvert au cours d'une de ces crises de rangement, un livre de ... Mais le nom de l'auteur, le titre (*) ne sont pas importants. Ce qui m'a paru important à ce moment-là, c'est ce que j'ai (re)trouvé dans le livre, avec le texte, j'ai lu un livre, je n'ai pas lu un texte (pardon Jean-François Gayrard !) 

J'ai trouvé une annotation de l'amie qui m'avait donné ce livre, pas une dédicace mais un petit mot tendre, pour me proposer d'aimer ce livre autant qu'elle.
J'ai trouvé page 128 un vieux marque-page coincé dans un chapitre que j'avais visiblement parcouru maintes fois si j'en crois les marques sur les pages, le papier lisse, les caractères grisonnants.
J'ai trouvé des notes, des gribouillis, des dessins dans la marge, preuves d'une attention particulière. Et en relisant cette portion de texte très annotée, ont afflué des souvenirs, des pourquoi et des comment.
J'ai trouvé des souvenirs de l'époque où j'ai lu et aimé ce livre, des lieux, des sensations, de la musique que j'écoutais alors.
J'ai trouvé un morceau de papier plié en quatre, je l'ai ouvert, j'ai senti le papier fragile sous mes doigts, j'ai lu et "entendu" ce poème qu'elle avait composé et inséré dans le livre, pour moi.
J'ai tourné les pages au hasard, ou presque, à la recherche de ces traces personnelles, comme pour m'aider à lire une deuxième fois, à relire.
Je me suis surpris à rester immobile quelques longs instants, les yeux figés sur ces feuilles, sur ces phrases, imprimées ou manuscrites, que je ne lisais plus, que je ne regardais même plus, car je fixais un point loin derrière les mots, un point de mon passé. 

Nostalgie !
Ou vénération pour l'objet-livre, au-delà du texte ? 

Le plaisir n'était pas tant pour le texte, les phrases, les mots d'un auteur -ou d'une amie- que j'avais pleinement apprécié, que pour le toucher de la couverture pâlie et écornée, le contact du papier tant de fois froissé, les images qui se formaient à côté du texte.

Bref, j'ai relu un livre, un vrai livre, un livre-objet, un livre-souvenir. Encore aujourd'hui, le livre est là, à côté de l'ordi sur lequel j'écris cet article, je garde un oeil sur lui, je suis content de l'avoir retrouvé.
Je dis LUI, le livre et le texte et les notes et les images et les souvenirs et les sensations.

(*) Richard Bohringer, C'est beau une ville la nuit, éditions Denoël, 1988

mardi 29 mai 2012

Buzzati

J'ai découvert Buzzati au cours d'un atelier conte. Nous étions dans un endroit éloigné de tout, au milieu de nulle part. J'ai lu Le K et j'ai su ce que j'aimerais raconter à partir de ce jour. 
Histoires noires, humour noir, amour noir.



Le temps n'existe pas chez Buzzati, ou plutôt le temps est vide, c'est la réalité qui n'existe pas. Notre réalité, notre quotidien, notre banalité sont métamorphosés à travers les écrits de Buzzati. 

Du Désert des Tartares aux Nuits difficiles
de L'utilité de l'attente à la Panique du roi
de la Jeune fille qui tombe à Esclave, 
l'angoisse est teintée d'humour, de poésie, d'imaginaire, de merveilleux, de fantastique, d'effroi, mais elle nous obsède au fond de notre vie, jusqu'au fond de notre mort.

Dino Buzzati, né le 16 octobre 1906 
à San Pellegrino dans le nord de la Vénétie 
et mort le 28 janvier 1972 à Milan.

On a dit que Buzzati était surréaliste dans ses contes, existentialiste dans ses romans. On lui a collé diverses étiquettes, l'associant à Camus, Sartre, et même Queneau et Perec.
Pourquoi pas ? 
La seule chose dont je sois réellement sûr, c'est qu'il est mort. Il y a 40 ans !


mercredi 16 mai 2012

Lassitude

Ne plus avoir le goût. Perdre les sensations. Oublier le désir, l'envie. Le plaisir !

Alors, on regarde autour de soi, on cherche un appui, une épaule compatissante, un regard encourageant, un sourire franc. 
On respire bien fort, on cherche au plus profond de soi-même le petit quelque chose, le soupçon de certitude –vraie fausse certitude– enseveli sous des tonnes de doute.
Et puis ... on le fait !
Et ça fonctionne, un peu ou beaucoup. Mais pas toujours passionnément
Plutôt, on dirait que ça fonctionne comme par habitude, comme par routine.
NOOOOOOON ! 

Pas de routine, pas de sentier tout tracé, de voie large ouverte. 
Mais des chemins de traverses,
des labyrinthes mystérieux,
des impasses obscures,
des ponts infranchissables,
des précipices insondables,
des aires de repos isolées au milieu de nulle part où on se retrouve seul et haletant,
tous ces obstacles qui forcent à avancer, à faire sa voie, à creuser le sillon, ni droit ni profond, parfois imperceptible, ou même invisible, souvent pénible et résistant, creuser jusqu'à ... demain.
Mais le retour en arrière est autorisé, le droit de se tromper, le droit de prendre son temps pour choisir, le droit d'hésiter, et même ... le droit d'attendre, de demander conseil, de crier à l'aide. 
Le droit au doute, au soupçon de doute enseveli sous des tonnes de certitude.

En route !
Le chemin sous les pieds, un pas après l'autre, un Nième pas après tous les autres.



mardi 24 avril 2012

Prière bohémienne, en hommage à Félix


À tous les bohémiens, les bohémiennes de ma rue
Qui sont pas musiciens, ni comédiens, ni clowns
Ni danseurs, ni chanteurs, ni voyageurs, ni rien
Qui vont chaque matin, bravement, proprement
Dans leur petit manteau sous leur petit chapeau

Gagner en employés le pain quotidien

Qui sourient aux voisins sans en avoir envie
Qui ont pris le parti d’espérer
Sans jamais voir de l’or dans l’aube ou dans leur poche
Les braves bohémiens, sans roulotte, ni chien
Silencieux fonctionnaires aux yeux fatigués

J’apporte les hommages émus

Les espoirs des villes inconnues
L’entrée au paradis perdu
Par des continents jamais vus
Ce sont eux qui sont les plus forts
Qui emportent tout dans la mort

Devant ces bohémiens, ces bohémiennes de ma rue

Qui n’ont plus que la nuit pour partir
Sur les navires bleus de leur jeunesse enfuie
Glorieux oubliés, talents abandonnés
Comme des sacs tombés au bord des grands chemins

Qui se lèvent le main cruellement heureux

D’avoir à traverser des journées
Ensoleillées, usées, où rien n’arrivera que d’autres embarras
Que d’autres déceptions tout au long des saisons

J’ai le chapeau bas à la main

Devant mes frères bohémiens.